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Valentin

C'était au milieu de la nuit.


Crise de panique.

Ce moment où tes bronches se referment pareil comme si tu faisais une crise d'asthme, tu cherches ton air. Ta peau se couvre de plaques rouges vif. Tu transpires. Tes pensées, elles, filent à la vitesse de la lumière dans ta tête.

Et chacune d'elles t'éraflent encore plus le coeur au passage, qui était déjà en sang.


Tu pleures comme jamais. Cette émotion qui te déforme complètement le visage, les yeux rouges et bouffis, la tête ayant le cerveau coulé dans le béton.



Tu ne veux plus la voir. Jamais.

Mais tu n'as pas le choix de la voir, demain, au travail.
Une "rencontre de médiation", avec un directeur que tu respecte autant que Jeff Fillion.


Ce travail, pour qui tu es partie en catastrophe d'une ville que tu aimais, en te disant qu'enfin, tu avais un emploi dans ton domaine.

Pour finalement scanner des feuilles, toute seule dans un bureau avec une fenêtre donnant sur un mur de pierre, sans parler à personne pendant des heures.

Avec une gestionnaire de projet de numérisation des archives, à qui tu as dû expliquer pourquoi il fallait porter des gants quand on touche des photos.
Pourquoi quand elle prenait des mesures en pouces il ne fallait pas "compter les p'tites lignes" et écrire 5,6 (pour 5 pouce et 6 petites lignes) et que ça donnait pas pantoute la même affaire.
Pourquoi inscrire des états de conservation était important dans une fiche de documentation.
Pourquoi ça ne donnait absolument aucune information pertinente d'inscrire uniquement que la photo est "noir et blanc ou couleur".
Pourquoi elle n'était pas ton amie, mais bien une collègue.

Et tes "amis" qui te disent que "ben non, ça va passer" ou encore que t'as "juste" à changer de job.
Comme si ça se faisait tout seul.

En attendant, ma vie était un cauchemar à chaque jour.
Pas un peu poche, ou ordinaire.
Un cauchemar.
Devenu réalité.

J'ai appelé le centre de crise.
Ça a fait pour quelques heures.

Puis la panique est revenue.

Donc je t'ai appelé.

Parce que je ne voulais pas être encombrante pour le centre.

Et que tu étais mon conjoint.

Et tu n'as pas été là pour moi.

Tu m'as demandé d'appeler quelqu'un d'autre, "une personne-ressource", comme tu disais.
Toi, qui n'arrêtais jamais de dire que tu voulais justement être une personne-ressource pour les autres.
J'ai compris qu'en fait tu ne voulais pas être une personne-ressource pour les gens en détresse. Juste quand on a besoin d'une gentille cheerleader.

Sinon on parle à la négative, comme tu disais. C'était de notre faute, on était négatif, donc on attirait ce mal là.
Et il ne fallait pas t'en parler.
Quand c'était rendu à ce stade là, tu n'étais plus la personne-ressource que tu te vantais d'être.

On a raccroché. Je suis redevenue en état de panique.
Mais cette fois, avec un sentiment d'abandon en plus.

J'ai donc sorti les somnifères de leur boîte.

"Ça va bien aller".

J'avais peur que ce ne soit pas assez. J'ai donc aussi sorti ce qu'il me restait de calmants qu'on m'avait donné à l'hôpital, lors de mon accident.

"Ça va bien aller".

Je pense au fait que non, je n'aurai plus mal.
Plus mal du fait de ne pas être soutenue. De ne pas avoir d'empathie. De me faire dire que je suis forte. D'avoir échoué. Partout. Professionnellement, dans ma vie de couple, dans mes amitiés. Partout.

Je sors et enligne minutieusement tous les comprimés devant moi.

"Ça va bien aller"

Je teste aussi un x-acto sur mon avant-bras.
J'ai peur.
Ça fait mal.
Je n'ai pas envie d'avoir mal d'avantage.

Je teste un sac de plastique sur ma tête.
Pas tout de suite, ça va être pour être certaine de ne pas me manquer, vers la fin.


Je prend les comprimés à coup de deux.
À chaque fois, je me dis
"Ça va bien aller"

Finalement, j'appelle l'ambulance.

2 policiers et 3 ambulanciers débarquent chez moi.


Un peu plus tard dans la journée, pendant que je suis à l'hôpital, je reçois un texto.

Il me quitte.


Je regarde la date.

14 février.


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