Ça fait 10 ans ce soir.
En fait, si c'était pas de mes soeurs, je me rappellerais pas que ça fait 10 ans.
Comme je me rappellerais pas non plus que c'était le 17 février.
Je me souvenais juste que c'était dans le coin de ma fête, qu'on a passé la fin de semaine au corps et quand j'étais sur le point de retourner à Montréal, ma mère m'a donné une carte de fête avec de l'argent dedans, en s'excusant que ça ait passé dans le beurre de même.
Ça me faisait rien.
Je suis retournée au travail, et des cupcakes d'anniversaire m'attendaient à côté de deux cartes. Une pour ma fête, une autre les condoléances.
C'était weird.
Toute ça était weird.
Pis honnêtement, je me questionne encore aujourd'hui sur mon pas-de-réaction quand ma soeur cadette m'a appelée dans la nuit pour me dire que c'était fini. Elle pleurait.
J'étais avec monsieur S. cette nuit là.
Il m'a demandé si j'avais besoin d'en parler pis j'ai dit de quoi comme "no-non, c'correct".
J'avais pas de réaction.
J'dis que j'avais pas de réaction, mais je me souviens que ma mère était surprise quand j'ai pleuré au téléphone, quand elle m'a annoncé qu'il lui restait juste 6 mois.
Tsé, quand ta mère est surprise de ça... de pleurer.
Parce que je pleure jamais.
Du moins, rarement.
Rarement en avant des gens, en tout cas.
Je me souviens que j'avais pas de réactions, mais je me souviens qu'il y avait eu un bug à job, l'assistante-gérante avait mal compris et elle avait oublié de m'accorder mes congés pour aller au corps. J'ai voulu régler la patente, pis je me souviens que les larmes m'avaient montés aux yeux toutes seules en bégayant que "oui, nonoui, c'tait pas ça"..., etc.
J'avais pas de réaction au corps.
J'étais loin d'être comme sa cousine qui contemplait le powerpoint sur la grande tv du salon funéraire.
J'avais pas de réaction quand on s'est rassemblé devant la p'tite urne carrée dans lequel il restait ses cendres.
Mais je me souviens de ma filleule.
Était toutite.
Avait 5 ans.
C'pas un âge pour perdre son père.
Je me souviens qu'elle a regardé derrière elle, pour y voir tout le monde qui pleurait (sauf moi, obviously) et les larmes se sont mis à rouler sur sa p'tite face.
Pis là, j'ai pleuré.
Je pleurais pas pour lui.
J'pense qu'au final j'ai jamais pleuré pour lui.
J'ai pleuré pour celles qui restaient.
Celles qui allaient être pognés din familles qui se déchirent parce qu'elles ont trop mal,
Celles qui allaient se faire juger de se refaire un chum trop vite, ou pas assez vite, d'être trop ou pas assez en deuil, de pas dire les bonnes affaires, d'expliquer qu'elles en ont pas de père, qu'il est mort du cancer avant la quarantaine, non elles s'en souviennent pas tant que ça, parce qu'elles avaient juste 5 pis 8 ans.
Ça fait 10 ans.
Les filles ont maintenant 15 pis 18 ans.
Au final, c'est pas plus mal, à défaut de l'avoir comme père ou comme mari, c'est un autre qui a pris la place, un autre qu'il aimait vraiment beaucoup, et il remplit vraiment bien le poste.
Je sais pas comment les filles s'en souviennent, ni comment elles le vivent, maintenant.
On en parle pas vraiment.
Au début de l'hiver, je marchais dans la neige, pis j'ai réalisé qu'il avait mon âge quand il est mort.
Je sais pas si c'est un âge pour mourir.
J'pense pas qu'il y en ait, en fait.
J'bois une rousse, il paraît qu'il aimait ça.
C'est mes soeurs qui ont starté ça, j'ai suivi.
Je sais pas encore si c'est parce que je me sens cheap d'autant pas avoir eu de réaction, de pas être là aux célébrations de son 10ième anniversaire de décès en fin de semaine prochaine ou d'autant pas avoir d'émotions pour toute.
Moi, je me souviens de lui din bars où il m'emmenait quand j'étais démesurément trop jeune pour y aller. Je me souviens d'avoir fumé dans son salon avec lui pis ma soeur. Je me souviens que mes cousins le trouvaient donc cool, genre big fan all-in. Quand j'étais plus petite, me semble que j'étais big fan aussi. C'était mon grand-frère que j'avais jamais eu, j'pense.
Mais je me souviens aussi que dans les dernières années, je le trouvais juste désagréable. Je me souviens que j'en avais parlé aussi à mon chum du temps.
J'pense que ça explique un peu mon pas-de-réaction.
C'était pas la personne que j'avais aimé qui mourrait.
C'en était une autre.
Dans tous les cas, je bois une rousse.
Je ne me souvenais pas que c'était sa bière préférée, mais dans tous les cas, ça me permet de prendre du temps pour méditer sur ma relation à lui, avant et maintenant.
C'est peut-être ça, aussi, le processus de deuil.
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